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Les paysans palestiniens s’unissent

Les paysans palestiniens s’unissent

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Les agriculteurs palestiniens s’unissent pour faire face à un avenir difficile. UAWC, partenaire d’Oxfam, tente de renverser la tendance avec des projets concrets via des réseaux nationaux et internationaux. UAWC lutte ainsi pour la survie des communautés paysannes dans le Territoire palestinien occupé.

La politique de colonisation israélienne et les importantes restrictions imposées aux Palestiniens en Cisjordanie rendent leur situation particulièrement pénible. Ils sont sans emploi, sans revenus et vivent au jour le jour sans savoir ce que demain leur réservera.

L’eau, la terre et le marché

Fouad Abou Saif, directeur de programmes chez UAWC en Cisjordanie,

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Fouad Abou Saif, directeur de programmes chez UAWC

attribue les problèmes auxquels font face les agriculteurs à trois causes intimement liées : « Tout d’abord, les Palestiniens n’ont que très peu accès à l’eau, car les rares sources sont aux mains des autorités israéliennes. » Il va de soi qu’il est impossible de pratiquer l’agriculture sans eau. Comme deuxième cause, il cite l’accès à la terre : « la région qui englobe la majorité des terres arables est aux mains des Israéliens. Quand ces terres n’ont pas été purement et simplement accaparées, leur accès est rendu particulièrement difficile par les énormes difficultés qu’éprouvent les Palestiniens pour se déplacer. »

Et ces mêmes restrictions en termes de mobilité rendent la commercialisation des produits agricoles également très difficile. « Israël contrôle toutes les frontières. Nous ne pouvons par exemple pas commercer directement avec nos voisins jordaniens. Tandis que nous arrivons difficilement à commercialiser à temps nos produits sur le marché israélien, notre propre marché est inondé de produits israéliens et issus des colonies, à des prix qui empêchent toute concurrence. »

Les quelque 520 postes de contrôle, barrages routiers et autres obstacles tels que le Mur empêchent les Palestiniens de Cisjordanie de se déplacer librement et donc d’exercer leur profession et de gagner un revenu. « Pour aller d’un village à un autre, il faut obligatoirement passer par un point de contrôle. Il est impossible de savoir à l’avance s’il sera ouvert, si vous aurez l’autorisation de passer et combien de temps il vous faudra attendre cette autorisation. La notion de ’temps’ a ici perdu toute signification », explique Fouad Abou Saif.

Citoyenneté active

L’espoir que la communauté internationale parvienne à changer la situation s’amenuise avec les temps. Les Palestiniens se sont donc mis en quête de nouvelles façons de lutter pour la reconnaissance de leurs droits, et privilégient désormais l’activisme citoyen et les initiatives locales.

UAWC, qui a vu le jour en 1986, est une de ces organisations citoyennes. UAWC est l’abréviation de « Union of Agricultural Work Committees », Union des comités d’agriculteurs. « Quand les agriculteurs se sont vus dépossédés de leur terres, ils se sont regroupés en comités locaux, » poursuit Fouad Abou Saif.

« Paysans, hommes et femmes, se sont regroupés pour trouver ensemble des solutions et pour faire reconnaître leurs droits. Le nombre de ces comités a crû exponentiellement et en 1992 tous les comités de Cisjordanie et de la Bande de Gaza se sont regroupés dans une nouvelle structure : UAWC. De nouveaux comités rejoignent UAWC chaque année. Avec l’aide d’Oxfam nous avons réussi à améliorer notre fonctionnement interne et à professionnaliser notre travail. »

En collaboration avec les comités locaux, UAWC met tout en œuvre pour renverser la tendance actuelle et améliorer les moyens de subsistance des familles d’agriculteurs. L’organisation cible en priorité les petits agriculteurs et les femmes chefs de famille en les soutenant de la façon la plus appropriée : en organisant des formations, en tentant de regagner des terres en les réhabilitant, en fournissant des outils agricoles, des semences ou d’autres moyens de production, ou en proposant un accompagnement pour la commercialisation des produits.

UAWC et Oxfam ont ainsi développé un projet visant à promouvoir la production agricole et à soutenir les petits paysans de Cisjordanie. Le projet avait pour objectif principal de garantir l’accès aux ressources naturelles telles que l’eau, la terre et les semences locales.

Un travail sur mesure qui porte ses fruits

Les comités locaux jouent un rôle très important dans la sélection des bénéficiaires, car ils sont les mieux placés pour identifier les besoins de certaines communautés et familles.

« Nous essayons d’adapter notre projet inpiduellement. Pour ce faire nous identifions, famille par famille, les ressources dont elles disposent réellement, les causes de leur pauvreté et la meilleure façon de leur venir en aide, » explique encore Fouad Abou Saif.

« S’il s’avère par exemple que le chef d’une famille agricole n’a plus accès à sa terre, nous l’accompagnons dans sa recherche de nouvelles terres. Il suivra les formations nécessaires afin qu’il puisse réaménager les terres en terrains agricoles, et nous l’aiderons pour l’irrigation et pour trouver des semences. Si nous constatons que sa femme essaye de gagner un revenu supplémentaire en faisant du travail manuel, nous l’aiderons également à trouver des moyens de production supplémentaires. »

« Chaque année nous touchons une dizaine de milliers de personnes en Cisjordanie et aidons les agriculteurs à recommencer à travailler. Chaque agriculteur peut en outre nous contacter directement, et nous en sommes très fiers. Nous comptons 160 comités locaux en Cisjordanie et couvrons ainsi la quasi-totalité du territoire. S’il se passe quelque chose dans un village, même fort reculé, il y toujours quelqu’un pour s’occuper du problème et, si besoin est, pour le relayer au niveau de l’organisation. Nous réunissons tous les comités une fois par an pour discuter de l’avenir. »

Réseaux pour la souveraineté alimentaire

Via des réseaux nationaux et internationaux UAWC tente également de mettre le dossier (agricole) palestinien à l’agenda politique. UAWC organise chaque année, dans le cadre de sa collaboration avec Oxfam, un conférence composée de réunions et de workshops sur le thème de la souveraineté alimentaire.

« Le but est de raconter l’histoire des Palestiniens et de demander le soutien des groupes internationaux de solidarité. Nous les invitons à venir voir en Palestine comment le gouvernement israélien traite la population et les agriculteurs palestiniens. Nous espérons ainsi qu’ils mettrons le gouvernement israélien sous pression afin qu’il change sa politique ou, au minimum, qu’il laisse les agriculteurs palestiniens en paix. »

« Au niveau national nous avons réussi à faire entrer le concept de souveraineté alimentaire dans le langage courant. Il fait ainsi partie des priorités du gouvernement palestinien, et la majorité des ONG palestiniennes (plus de 150) ont signé une déclaration sur la souveraineté alimentaire identifiant 20 points qui doivent bénéficier d’une attention prioritaire dans leur travail. »

Des fonds en suffisance ?

« Malgré les progrès accomplis, notre travail est loin d’être terminé. Un défi majeur est de trouver des fonds suffisants pour poursuivre ou étendre nos activités. Nous ressentons les effets de la crise économique : un nombre sans cesse croissant de donateurs cessent ou diminuent leur financement, » conclut Fouad Abou Saif.

Du côté d’Oxfam également le financement commence à poser problème. Un nouveau projet prévu avec UAWC avait pour but de soutenir les femmes pour la création de jardins potagers. Ainsi, elles auraient été en mesure de produire des légumes pour leur propre consommation et de vendre leurs surplus sur les marchés locaux. Suite aux récentes réductions budgétaires du gouvernement belge en matière de coopération au développement, ce projet devra probablement être avorté.

Abd Al-Hadi Shallalda peut travailler sur la terre de ses ancêtres

Abd Al-Hadi Shallalda de Sa’ir, un village non loin de Hébron, est un agriculteur de 53 ans. L’agriculture est la principale source de revenus de sa famille de 10 personnes. Son revenu annuel s’établit à environ 3.400 euros, soit 28 euros par mois par personne.

Abd Al-Hadi a hérité des terres de ses grands-parents. Sur certaines parcelles, il a planté des cultures pluviales (légumes et cultures de plein champ) et des arbres fruitiers (amandes, figues et raisins). Mais près d’un hectare était inutilisable du fait de la dureté du sol (sol rocailleux sous la surface), et il ne peut se payer les machines agricoles qui permettraient de travailler cette terre.

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Grâce à ce projet Abd Al-Hadi Shallalda a pu conserver ses terres non utilisées. Il a pu les niveler, les labourer et les rendre productives.

Retenu dans le cadre du projet d’UAWC, Abd al-Hadi a participé au volet axé sur le développement foncier, qui cadre dans un projet plus large autour de la sécurité alimentaire, financé par la Commission européenne et mis en œuvre en collaboration avec Oxfam-Solidarité.

Grâce à ce projet il a pu conserver ses terres non utilisées. Il a pu les niveler, les labourer et les rendre productives. Il a également construit des terrasses et creusé une citerne d’eau de pluie de 95 m³ pour irriguer les arbres fruitiers. UAWC lui a fourni des graines d’amandiers, de cerisiers et d’abricotiers qu’il a pu semer sur ses terres.